Excellent épisode, flippant et dérangeant à souhait .. "White Bear" ne se contente pas en effet de jouer des nouvelles technologies et d'enjeux sociaux/sociétaux pour nous proposer une vision dystopique de notre monde moderne, "White Bear" ici nous plonge en enfer. Un enfer fait de "Monsieur loyal", d'i-phones et d'un tourment éternel, un enfer qu'on ne souhaiterait à personne, même au plus cruel des meurtriers.

Bon. Je ne sais vraiment pas quoi penser de cet épisode. Il était bien, mais il était foutrement malsain. Comme souvent avec cette série, on ressort de là en se posant plein de questions : qui est bon, qui est mauvais, où se situe la frontière entre les deux ?

Très clairement, l'épisode joue sur les deux tableaux. On est tiraillé entre l'acte commis par l'héroïne mais également par la sentence qui lui est donnée. Je ne pensais réellement pas me dire un jour : "ok, elle a tué un gosse, mais ne mérite pas une telle peine". Et dans un sens, cela me gène énormément.

Comme toujours, superbe réalisation, mise en place de l'intrigue et de l'environnement très bonne en si peu de temps. Bref, très bon, et très TRES dérangeant.

Cet épisode a été ma première vraie claque de la série.

Il faut dire qu’un peu à l’instar de 15 Million Merits ou de The National Anthem, il est créé pour saisir surtout la première fois qu’on le regarde. Tout repose en grande partie sur l’inconnu de la situation et notamment de la façon dont il va finir.

Même si avec le temps et en grandissant (j’ai vu cet épisode quand je n’avais que 15 ans), les épisodes comme Be Right Back ou The Entire History of You me parlent plus et me restent plus en tête, là où les deux premiers épisodes de la saison 1 sont devenus plus clichés ou moins modernes à mes yeux… White Bear est peut-être une exception.

Il faut dire que même s’il ne fonctionnera jamais aussi bien que la première fois qu’on le découvre, et que la seconde fois lorsqu’on le redécouvre en ayant conscience de la fin, ça n’empêche pas qu’il a marqué au fer rouge ma mémoire et qu’il a été extrêmement prenant.

Certes il se repose en grande partie sur sa fin, mais les 45 minutes de course effrénée qui parviennent à faire s’interroger absolument tout le monde sur la moralité de la prison, de la peine capitale ou de la torture, c’est fort. Bien sûr, tout le monde ne changera pas subitement d’avis en regardant cet épisode, notamment les personnes qui ont déjà un avis extrêmement arrêté et mûrement réfléchi sur la question. Mais difficile de ne pas ressortir avec au moins la sensation tenace et très rare d’avoir été poussé jusque dans nos retranchements de nos jugements de valeur.

C’est vraiment un ascenseur émotionnel où la claque finale vient nous prendre aux tripes, où chaque nouvelle scène est un coup de poignard dans le ventre. Notre boussole morale en ressort aussi troublée que la protagoniste.

Oui l'actrice gueule un peu trop. Soit.

Oui ce n'est pas très subtil, avec carrément une fin très explicative avec des images “d’archives”. Il faut avouer que la transition entre le premier acte et le second est assez marquée. On part vraiment sur 25 minutes de “wtf ?!” puis 10 minutes d'explication "voilà toute l'histoire". Cela aurait pu être amené par touches de subtilité tout du long pour vraiment ériger cet épisode au rang de chef d'oeuvre. En l’état, les indices sont peut-être trop peu nombreux, et certains passages paraissent un peu trop déconnectés et gratuits lorsqu’on revoit l’épisode (toute la séquence dans les bois, longuette).

Mais l’absence de subtilité, c’est vraiment pas gênant dans cet épisode à mon sens. Black Mirror est réputé pour critiquer notre société et propose des univers expérimentaux en guise de marque de fabrique. Ce n’est même pas forcément sur la technologie en soi (il n’y a presque aucune technologie incongrue dans cet épisode), mais sur la perception, sur l’image - notamment sur les écrans (ce qui s’avère être un bout de technologie - mais c’est totalement fortuit et pas systématiquement une innovataion). Les écrans, c’est ce qu'on nous vend dans le titre, dans les bande-annonces, partout : et d’autant plus en saison 2, les créateurs de la série savent que le spectateur qui arrive à ce stade s’attend très bien à être surpris ou être choqué par des satires et des métaphores.

Proposer donc un jeu pervers évident et challenger nos attentes en arrivant à nous plonger dans un malaise non pas au premier degré (comme en nous montrant un ministre qui baise un cochon ou un clone malsain), mais en nous renvoyant à nos propres convictions, c’est quand même sacrément fort pour parvenir à sublimer le propos de la série tout en proposant une approche originale.

Alors que ce soit pas subtil ça ne change rien : on sait bien qu'il y aura un propos. Le fait de le dissimuler dans une intrigue intimiste centrée sur quelques personnages, comme les épisodes The Entire History of You ou Be Right Back, ça fermerait trop le propos de l’épisode. Ce qui fonctionnait pour une exagération d’une innovation technique (ou d’un contexte dystopique comme pour 15 Million Merits), ne peut pas forcément marcher pour tous les propos, certainement pas lorsqu’on aborde quelque chose d’aussi polémique et humain que le jugement et la punition de crimes.

White Bear nous rappelle donc que Black Mirror n’est pas à propos de la technologie en son, mais des écrans donc. Ici, les écrans servent à mettre en lumière une perversion des gens, un voyeurisme très malsain. Bien sûr c’est moins prenant que la fin, mais les plans du début d’épisode où les gens filment avec leur portable la protagoniste qui ne comprend pas (et est aussi perdue que le spectateur) ce qui lui arrive, est tout bonnement affreux.

Evidemment, suivre les aventures d'une amnésique, c’est suivre les aventures d’un narrateur non fiable. Mais l’immersion est si réussie qu’on fait taire la petite voix qui nous dit que “quelque chose cloche”, et on se retrouve à avoir peur pour elle, on ressent ce qu'elle ressent, on imagine comment on réagirait si la situation nous arrivait. Puis on nous révèle qu'on a été tout simplement dans la peau d'une meurtrière. Et l’expérience troublante de Black Mirror se révèle donc. Le choc peut avoir plein d’effets : il y a ceux qui vont immédiatemment refouler tous les sentiments de sympathie accumulés, pour se rabattre sur la carte du mérite (j’ai été témoin de cette réaction, assez dure selon moi). Il y a ceux qui vont prendre la défense de la protagoniste en rationalisant sur les parti-pris de l’expérience : l’aspect torture humaine vivante, l’aspect répétition éternelle perverse et filmée… Ce qui “fausse” l’expérience ou en tout cas ne permet pas de comparer à la vie réelle.

Et puis il y a ceux (comme moi, au cas où vous n’auriez pas remarqué) qui vont surtout se poser 1500 questions, remettre en question leur jugement sur des meurtriers, tout du moins sur des personnes qui finissent par être folles. Mais que se passe-t-il si elles sont rendues précisément à cause de la sentence “juste” qu’on leur a imposés ? Comment faire évoluer une peine ? Et puis, toute la question de la communication et du voyeurisme autour, de personnes qui ont autant d’infos que nous sur la jugée, à savoir… ce qu’on nous montre à travers un écran.

Mais ne vient-on pas de démontrer que les écrans, ne sont pas fiables ? C’est là où l’épisode est fort (et où j’aurais personnellement aimé qu’il aille encore plus loin) : peut-on avoir la certitude de la culpabilité de la protagoniste ? On nous dit que les preuves étaient sans équivoque, qu’elle a même pu avouer, etc. Oui mais pour moi la vraie réponse au débat se trouve dans l’existence même du débat : si l’on ne peut pas être sûr des événements (que ça soit d’un crime réel ou d’une backstory fictive comme ici), alors l’extrême intensité des sentences me posent un problème moral irréconciliable.

L’épisode laisse plus ou moins entrouvert cette piste, en évoquant notamment que la protagoniste n’était pas seule dans l’enlèvement de la victime, et agissait avec son compagnon. Une association un peu floue et vite survolée, pour nous convaincre rapidement qu’elle est dans le coup. La réalité, on ne la connaîtra jamais. L’épisode aurait tout de même pu cultiver avec plus de soin cette ambiguité.

En fait, il n’a pas le temps de le faire, et je suppose que cela imite ce que traverse la protagoniste, à savoir qu’elle n’a pas le temps non plus d’assimiler, de retrouver ses esprits, de chercher dans sa mémoire la réalité, sa vérité, une défense… Tic toc, l’horloge tourne, la journe s’achève, il faut la replonger dans sa torture éternelle. De toute façon, pas grave, car même si elle avait le temps d’y réfléchir, ça serait voué à l’échec puisqu’on l’a déjà lobotomisé.

Dans la vraie vie, pour l’instant, on a le temps d’y réfléchir, à tout ça. On peut réfléchir à d’autres options que la peine de mort (qu’elle soit “”libératrice”” ou punitive) ou l’emprisonnement éternel inhumain. Je pense personnellement que c’est là le vrai propos de l’épisode, même si sa force réside dans le fait qu’il est aussi très appréciable sans se poser autant de questions ou sans aller aussi loin.

Rares sont les épisodes avec autant de débats potentiels, autant de richesse et autant de sollicitation de la moralité de son spectateur. J’aime beaucoup le fait que Black Mirror se serve de son identité, de son image et de son cadre expérimental pour forcer ses spectateurs à être actifs dans leur visionnage.

Malgré ses défauts, ses maladresses ou ses inégalités de rythme ou de montage, je trouve encore que c’est un épisode unique, un des plus intéressants de la série et une vraie claque qu’on le revoit ou simplement qu’on y repense.